lundi 26 janvier 2015

L'âme fleurie

Non loin du grand parc, réside une âme fleurie. Habillée sobrement, elle est une icône de la simplicité perdue. Sans connaître Voltaire, elle a compris sa philosophie et cultive son jardin au sens figuré comme au sens propre.

Le jardin de sa maison est un havre de paix où on oublie facilement la morosité ambiante. Oranger, citronnier, cerisier, avocatier... Chaque arbre et chaque plante se plaît à vivre sous ses petites mains rugueuses et ridées d'une douceur insensée.

Elle nous voit et sourit, nous sert le café avec du panettone. "Mangez niños, mangez! Il faut vous grossir, vous en avez plus besoin que moi".

Ses paroles sont presque métaphoriques. Elle qui a vécu, souffert, construit n'a plus aucun besoin et nous enjoint à manger la vie à pleines dents qui s'évade doucement de son cœur. Elle nous donne l'exemple en prenant une part de gâteau et rit d'un rire franc et direct.

"Tu es trop douce niña, tu vas t'endurcir à mes côtés" et je l'écoute dire en lui offrant ma confiance.

Au fond de ce jardin, réside un camélia. Alors que l'hiver a pris ses quartiers, ce dernier, comme une provocation et un défi d'enfant, laisse naître des fleurs d'un rouge sang et troublant. Même si tout se meurt, ce camélia nous dit avec toute sa malice, "je vis et je vivrai peu importe les épreuves, peu importe les obstacles".

En ce camélia rouge, je vois abuelita, si vieille et si jeune à la fois. Une âme solide et enfantine dans le corps de la vieillesse. J'entends son rire sonore et vois dans son regard, une lumière pétillante comme si à sa naissance, Dieu pour l'aider dans les affres du temps, lui avait versé en son âme une coupe de champagne.

C'est une âme fleurie qu'il m'a été donnée de rencontrer. On en voit peu ou on les perd mais en ce jour-ci, je sais qu'abuelita m'a offert une fleur d'une beauté éphémère qui résidera en moi comme un chant éternel.

Ambre

lundi 19 janvier 2015

La pluie, avant qu'elle tombe


Alors que je me promenais dans les rayonnages de Gibert Joseph à la recherche d'une petite perle qui m'emmènerais loin de mon train-train habituel, je suis tombée sur ce livre : La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan Coe.

Ni une ni deux, je me suis mise à ma lecture. L'auteur relate l'histoire de trois générations de femme à travers une confession enregistrée de Rosamond. Cette femme au récit douloureux décide, avant de se suicider, de s'adresser à une mystérieuse personne, Imogen et de lui révéler son histoire en s'appuyant sur vingt photos qu'elle va soigneusement décrire et détailler en retournant dans ses souvenirs les plus lointains.

Gill, la nièce de Rosamond, décide de se rendre seule dans le Shropshire afin d'organiser les obsèques de sa tante. Elle va alors découvrir l'électrophone, branché sur un magnétophone... Avec ses deux filles, elle va alors partir à la recherche de la fameuse Imogen à qui est destinée cette confession. Mais ne la trouvant pas, elle et ses filles vont alors décider d'écouter les cassettes pour découvrir les révélations de cette famille.

Jonathan Coe -que je n'avais encore jamais lu- arrive avec brio à nous mettre à la place de Gill. Comme elle, nous sommes assises à écouter le récit de Rosamond. Nous nous retrouvons dans les années 40, 50, … jusqu'à nos jours. Ce que j'ai trouvé de formidable, c'est la puissance commémorative des photos ou disons la force qu'elles ont de nous cacher et de nous dévoiler les plus sombres souvenirs... Les descriptions sont telles, que nous arrivons à « voir » ces photos. Nous faisons partie de cette histoire en spectateur averti.

Ce livre m'a au prime abord fait penser Au goût des pépins de pommes de Katharina Hagena mais Jonathan Coe, s'il parle effectivement de la mémoire et des souvenirs, a un thème bien particulier qui parcoure tout son roman : nos vies sont-elles tracées par avance ? Existe-t-il le libre-arbitre ou y a-t-il une logique qui préside à ces existences ? En bref, notre destin serait-il relié aux générations précédentes? Ne sommes-nous pas finalement liés entre nous par un fil invisible et notre vie serait-elle orientée à notre insu? Vaste question auquel l'auteur ne donne pas de vérité établie mais pose ça et là des coïncidences tout au fil du récit.

Roman, donc, que je conseille vivement. Je me suis régalée du début à la fin, et ce livre m'a laissée un étrange goût de terre et de pluie en m'emmenant dans les campagnes anglaises.

Enfin, le titre poétique ne peut nous laisser indifférent. Qu'est-ce que la pluie avant qu'elle tombe ? « C'est de l'humidité, rien de plus. » dira Rosamond jusqu'à ce que Théa -mère d'Imogen- ajoutera « Bien sûr que ça n'existe pas. C'est bien pour ça que c'est ma préférée. Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas, vrai ? »

Et vous, qu'en pensez-vous ?


Ambre

lundi 12 janvier 2015

La lumière du monde


La lumière du monde. Il parle de lui, il parle de moi... Peut-être de vous ?
Je tiens à vous faire partager des extraits du livre de Christian Bobin, poète céleste,

Extraits :

« Pour ma part, j'ai parfois l'impression d'être totalement incapable d'aimer, et, en même temps, d'aimer plus que personne. Je vois très peu de monde, mais je peux être indéfiniment avec l'autre quand il est là. Quand je suis né, on m'a proposé le menu du monde, et il n'y avait rien de comestible. Mais quand l'autre est vraiment avec moi, je peux manger : je bois une gorgée d'air, je mange une cuillerée de lumière. »

« L'écriture a par essence une tendance autistique. Le poète est un autiste qui parle. […] Comme l'autiste en se taisant, le poète s'ensevelit en écrivant : il vit une gloire interne et il est mort pour le monde. »

« Encore tout enfant, j'ai quitté mon corps et je suis entré dans mes yeux. […] Je ne me suis jamais trop mêlé des affaires du monde. Je trouvais horrible le sort fait aux autres et à moi dans cette vie-là. J'étais déjà en retrait. J'avais un monde du dedans. […] J'avais en même temps un étonnement et une lassitude d'être au monde. De temps en temps l'étonnement prédominait, de temps en temps la lassitude. Si j'étais tant attiré par la lumière, c'est parce qu'il y avait un fond de ténèbres. J'étais très solitaire, plus familier des enfants que je rencontrais dans les livres que de ceux que je voyais dans la rue. La brutalité des garçons me rebutait. Les autres enfants s'accommodaient de la surface des choses avec une gaieté brutale. Moi, les groupes m'attristaient : je les ai toujours redoutés. J'étais toujours sur mes gardes. »

« Pour ma part, plus mon regard s'affine et plus mon absence est certaine. Quand j'écris, c'est comme si je n'existais plus. Le plus souvent, le temps et moi on mène une vie différente : le temps s'écoule sous mes yeux comme une rivière et pendant ce temps-là je vieillis. Dans un sens, je n'aurais pas vécu : j'aurai passé ma vie à regarder la vie. »

« Soit on est vierge dans cette vie, soit on est brûlé par elle. Soit on est au bord, soit on est au cœur. Le seul risque, c'est d'être un peu mélangé : c'est la société. Soit on est jeté dans le brasier, soit on est un enfant qui ne prend rien de cette vie parce qu'il ne peut converser qu'avec les nuages. Moi, je fais partie de cette race-là. »

« Lorsque j'étais enfant, je trouvais déjà que les choses n'allaient pas avec ce qu'on me disait d'elles. Je me tenais tout le temps à côté du monde, du côté muet de la vie qui refusait obstinément d'entrer dans la vie convenue. »

« Sitôt qu'on naît, on reçoit les éboulis de la vie. A peine nés, on se trouve sous les pylônes électriques des bruits, des conventions, du peu d'amour. La seule chance qu'on aurait, ce serait d'être élevés par des dieux. C'est effarant de voir qu'on tombe à la naissance entre des mains qui sont inexpérimentées, tremblantes, si peu sûres. Je ne suis pas une exception. Tout, dans ma vie, découle d'une première note donnée. Or, il se trouve que cette première note est sombre. Mon écriture, c'est comme une étincelle qui a tout de suite son autonomie, et qui provient pourtant du choc des matériaux les plus lourds et les plus noirs. Ce que je vis de clair est sans cesse arraché au sombre, je vais chercher mon amour jusque dans les enfers. »

« A vingt ans, il a fallu que j'accepte d'être sur terre et ça n'a pas été facile. Ainsi, à l'adolescence, j'ai commencé par écrire des poèmes qui n'étaient pas spécialement roses. […] J'étais encore dans l'univers de l'enfance, je ne voulais pas le quitter. C'était un état d'agonie. »

« Le paradis, c'est peut-être d'être sans défense sans se sentir menacé. L'écriture permet ça. La plupart du temps, je vis une vie ordinaire et étrangement menacée. Je suis comme un poisson qui a été rejeté sur le sable. J'attends que l'écriture revienne me chercher : alors je renais pour bientôt remourir. »
 
 
Ambre


lundi 5 janvier 2015

Bêêêênne année...


« Jouer, juste, rien d'autre, faire semblant ou vivre nos vies. »

Jean-luc Lagarce

Plus les années passent, plus je deviens cynique. Pourtant, j'ai toujours était d'un grand optimisme mais mes espoirs débiles se sont érodés au fil du temps pour laisser place à un côté plus aigu (tranchant?) de ma personnalité.

Ces derniers jours, tout le monde se souhaite une bonne année. Le buraliste, la boulangère, le vigile de Carrefour... Le temps d'une soirée, des gens se sont regroupés pour fêter 2015. J'ai préféré échapper à tout ça. Les « 5...4...3...2...1... Bonne année ! », très peu pour moi.

Personne ne se connaît ou on ne connaît pas tout le monde, pourtant en cet instant, tous s'embrassent en balançant ces deux mots absurdes. Accolades, regards qui pétillent en raison de l'alcool et « bonne santé surtout hein ! ».

Je fuis ce type de soirée comme la peste. Pour moi, rien de plus hypocrite. Jeter deux mots à la figure de quelqu'un pour avoir bonne conscience ou faire « mine de » n'a jamais été mon dada. D'ailleurs, beaucoup disent « bonne année » à des gens qu'ils ne connaissent pas, ne verront plus jamais ou n'apprécieraient même pas en « temps normal ».

Alors pourquoi tous ces masques ? L'amour universel ? Laissez-moi rire !

Parce qu'on leur jette des billets du haut des fenêtres d'un immeuble, des gens sont prêts à se marcher dessus, se piétiner et se tuer. Tout ça pour des billets qui n'en étaient pas... On aura beau accuser ceux qui jetaient les fameux billets ou les « forces de l'ordre qui font toujours mal leur travail », qui s'est rué pour attraper des bouts de papiers ? Qui était prêt à tuer père et mère pour le nouveau dieu de ce système gangrené ? Tout le monde.

C'est sur que bonne année prend tout son sens : « Je te souhaite une bonne année... mais si tu te mets sur mon chemin, je t'élimine car ma vie vaut plus que la tienne».

Ces deux mots sont si galvaudés que je préfère ne rien dire et voir les gens à d'autres moments. Et puis, on ne suit qu'un calendrier parmi d'autres alors... je suis rabat-joie ? Non, un peu cynique.

Et bonne année !

Ambre

jeudi 1 janvier 2015

Une nouvelle année, de nouvelles étoiles dans les yeux

A l'heure où je vous écris beaucoup sont en train de cuver. C'est en tout cas ce que l'état des rues toulousaines a donné à voir cette dernière nuit 2014. Des renforts policiers sur les places, des pompiers ici et là toute sirène dehors. Un parfum amer a coloré les langues cette nuit. Beaucoup de jeunes énervés, désenchantés... Et pour les plus âgés minuit sonné, la lumière était déjà éteinte.

Je ne peux m'empêcher d'avoir un pincement au cœur quand je pense à cette fin. Pourtant je veux garder espoir dans cette belle année qui commence. Je veux y croire et le crier haut et fort.

Ce matin le soleil est doux, le froid me pince les joues et l'âme de ma cigarette m'enveloppe de chaleur. Cette journée commence bien. Mon téléphone ne cesse de vibrer. Je ne suis pas seule. Je souris face à cette nouvelle vie.

J'ai des résolutions à prendre. Mais plutôt que de le faire d'une traite sur un parchemin interminable, je vais adopter une résolution par semaine, par mois, je vais l'ajuster, je vais me voir grandir telle que je le souhaite. Et pourtant je ne cesse de me faire entendre dire que les résolutions "bah, ça sert à rien, on les tient jamais!". Et toute cette magie alors ?

Première résolution donc: Être optimiste. Il n'y a pas de problème, il n'existe que des solutions, comme le dit le dicton.

Très belle année 2015 à vous tous. 
Cuvez bien, étirez-vous dans votre lit douillet et buvez beaucoup d'eau avant de vous faire picoter les joues par un peu de froid pour bien vous réveiller. 
Le vie est là, ouvrez lui les bras !

Oui oui je sais c'est d'un mielleux, que voulez-vous ? Un peu de sucre ne fait pas de mal !

June