Non loin du grand parc, réside une âme fleurie. Habillée sobrement, elle est une icône de la simplicité perdue. Sans connaître Voltaire, elle a compris sa philosophie et cultive son jardin au sens figuré comme au sens propre.
Le jardin de sa maison est un havre de paix où on oublie facilement la morosité ambiante. Oranger, citronnier, cerisier, avocatier... Chaque arbre et chaque plante se plaît à vivre sous ses petites mains rugueuses et ridées d'une douceur insensée.
Elle nous voit et sourit, nous sert le café avec du panettone. "Mangez niños, mangez! Il faut vous grossir, vous en avez plus besoin que moi".
Ses paroles sont presque métaphoriques. Elle qui a vécu, souffert, construit n'a plus aucun besoin et nous enjoint à manger la vie à pleines dents qui s'évade doucement de son cœur. Elle nous donne l'exemple en prenant une part de gâteau et rit d'un rire franc et direct.
"Tu es trop douce niña, tu vas t'endurcir à mes côtés" et je l'écoute dire en lui offrant ma confiance.
Au fond de ce jardin, réside un camélia. Alors que l'hiver a pris ses quartiers, ce dernier, comme une provocation et un défi d'enfant, laisse naître des fleurs d'un rouge sang et troublant. Même si tout se meurt, ce camélia nous dit avec toute sa malice, "je vis et je vivrai peu importe les épreuves, peu importe les obstacles".
En ce camélia rouge, je vois abuelita, si vieille et si jeune à la fois. Une âme solide et enfantine dans le corps de la vieillesse. J'entends son rire sonore et vois dans son regard, une lumière pétillante comme si à sa naissance, Dieu pour l'aider dans les affres du temps, lui avait versé en son âme une coupe de champagne.
C'est une âme fleurie qu'il m'a été donnée de rencontrer. On en voit peu ou on les perd mais en ce jour-ci, je sais qu'abuelita m'a offert une fleur d'une beauté éphémère qui résidera en moi comme un chant éternel.
Ambre