La nouvelle
bande-dessinée d'Enki Bilal est enfin arrivée ! Sortie le 22
octobre, La couleur de l'air clôt la trilogie « Coup de
sang » commencée avec Animal'z (2009) puis Julia et
Roem (2011).
Ma rencontre avec Bilal a débuté il y a quelques années. J'ai d'abord découvert La femme piège (1986) et me suis mise à me peindre les ongles en bleu comme Jill Bioskop, devenue l'héroïne de mon imagination galopante. J'ai de suite été marquée par ses coups de crayon. L'œuvre de Bilal est hybride et ressemble très souvent à de la politique-fiction. Il se nourrit des évolutions géopolitiques, écologiques et scientifiques de notre planète avec toujours, une base réaliste à ses univers futuristes.
Artiste
contemporain, il défend une conception esthétique du rapport
image-texte. Il a effectué une véritable rupture avec la B.D
traditionnelle dès sa première parution en 1972. Avec La foire
aux immortels (1980), il met de la couleur directe, mêlant
peinture, crayons et pastels. C'est une innovation pour l'époque et
il fut souvent -et aujourd'hui encore- décrié par certains. Car la
peinture chez Enki Bilal crée un univers graphique reconnaissable
entre tous.
Cet autodidacte
devenu populaire s'est nourri des textes littéraires comme ceux de
Lovercraft, Perec ou Baudelaire. Parti de Yougoslavie à neuf ans, la
littérature fut pour lui un véhicule pour apprendre le français.
Il est d'ailleurs le seul auteur de bande-dessinée à avoir été
distingué littérairement. Pour lui, pas de scénario, mais de
l'écriture. Elle fait partie intégrante du dessin et lui
donne un sens nouveau.
Ce n'est pas un
artiste cloisonné. Dès le début, il a dynamité les frontières
qui séparaient bande-dessiné et peinture. Il a réalisé des films,
explorant toujours plus loin l'esthétisme sous toutes ses formes.
Son œuvre est puissante, étrange et transcende les désordres du
monde qu'il met en scène.
La trilogie « Coup
de sang » est composé esthétiquement selon la nature des
trois éléments : mer, terre, air. C'est une fable onirique
plus positive et moins sombre que la Tétralogie du monstre.
Dans Animal'z,
il est question de mer avec un papier gris vert. Il relate le récit
de notre futur où un dérèglement climatique s'est brutalement
généralisé. Sur cette planète en colère où évoluent des
animaux génétiquement modifiés, quelques personnages tentent de
survivre.
L'album suivant,
Julia et Roem, agit sur les sentiments -shakespeariens- et la
terre-mère et dévoile un Velin plus brun. Après la catastrophe
relatée dans le premier tome, la planète semble s'apaiser et se
recomposer lentement. Les survivants apprennent à s'organiser et une
singulière histoire d'amour apparaît.
Enfin, dans La
couleur de l'air, c'est avec un gris bleu foncé dans un ciel
sans dessus dessous ponctué d'immenses masses nuageuses aux allures
menaçantes que progresse un Zeppelin et son équipage incongru. Au
même moment, les personnages des deux tomes précédents sont eux
aussi mis en mouvement comme mus par un appel secret qui les mènera
à une réinitialisation du genre humain...
Je n'en dévoilerais
pas plus sur son contenu car il est particulièrement fantastique...
Le jour même de sa sortie, je suis partie l'acheter et l'ai dévorée
une heure plus tard posée sur le lit...
Enki Bilal provoque
attirance et répulsion. Il restera pour moi un artiste incontestable
qui décrypte l'actualité dans un monde futuriste, psychologiquement
complexe avec une esthétique hors norme qui dévoile des zèbres
domestiques, des femmes nues ou des personnages à tête d'animaux
dans une beauté troublante. Échappant aux normes en vigueur, il
fascine et nous transporte dans un univers en déchirement perpétuel
chargé de romanesque et d'expérimentations.
Alors si vous ne le
connaissez pas, découvrez au plus vite son travail qui ne vous
laissera pas indifférent et vous emmènera en dehors des stéréotypes
dans une beauté bilalienne à couper le souffle...
Ambre
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