lundi 13 octobre 2014

La liste


Une journée comme une liste : se lever, faire le petit déjeuner, la litière du chat à nettoyer, le lit à refaire, l'aspirateur à passer, s'habiller, fumer la première clope et ainsi de suite. Chaque acte est une étape à passer et une fois fait, c'est une chose de plus à rayer sur la liste... Ce n'est pas une vie au jour le jour.

Ma vie ressemble à une liste de courses qu'il faut refaire chaque semaine. Et le soir, le check-up et une nouvelle liste à établir, la tête posée sur l'oreiller, les yeux fermés et les pensées qui gigotent, tournent comme une ritournelle et empêchent de dormir, sereinement. Quelle crainte, quelle peur me retient, me contraint à agir de la sorte ? Est-ce agir ou suis-je un automate qui lorsque le crépuscule arrive, remonte son mécanisme ? Toujours en alerte, souvent angoissée. Pas le temps de vivre, que le temps de faire, faire ce qu'il faut, ce que je dois...

Devoirs réels ou imposés par mon propre masochisme. Montre que je suis une personne responsable. Endosse le costume, chaque matin. Souris, tu es filmée. Peur du regard d'autrui ? Alors justifications, sans fin, emberlificotées. Cercle vicieux. Dis-moi qui veux-tu que je sois et je me modèlerais selon tes envies. Une vie, ou un temps déterminé à agir pour... les autres ? Effacement de ma propre identité. Qui suis-je ? Je ne sais pas, je ne sais plus. L'ai-je déjà su un jour ? Quand a commencé le grand spectacle, quand me suis-je mis de la poudre aux yeux ? Interrogations toujours en suspens et des réponses hors de portée.
Moi je... Moi j'ai, j'ai une famille, des amis, un compagnon, des activités, un travail. Moi je suis, je suis une femme, une jeune femme, pas très grande, pas très forte, pas très sûr d'elle, pas très et même pas du tout. Sur quoi forger une identité ? Comment vivre le présent sans savoir qui l'on est ? Alors, seule solution : la liste. Chaque domaine a la sienne. Pour oublier, oublier que l'on ne sait rien, rien de soi. Oublier que l'on doute, oublier la peur qui nous tord l'estomac, oublier la petite voix qui nous tyrannise...

Si tu peux être n'importe qui, tu fais n'importe quoi. Pour qui ? Pour celui-ci qui te dénigre, qui te renie. Pour ceux qui te croient forte, pour ceux qui croient en toi. Arrêtez, tout ceci est vain. Comment croire en moi si je n'y crois pas moi-même ? Hypocrisie, mensonge, illusion. Voilà. « Comme tu es... ! » Hé, quoi? Rien, et c'est tout. Je ne suis rien que ce que vous vous imaginez, rien qu'une image qui vous en fait voir de toutes les couleurs. Dîtes rouge, me voilà tout en flammes. Dîtes bleu et je serais aussi douce que le chat qui se frotte contre vos mollets. Parce que c'est un jeu. J'en ai dicté les règles pour ne pas me retrouver dans le fossé. Vivre est trop dangereux. On peut souffrir...

Et là : quelle sotte tu fais ! Tu pues la peur, tu dégoulines de souffrances. Tu crois te cacher, tu crois que l'on ne sait pas? La vie n'est pas un jeu, c'est une excuse que tu te trouves pour supporter ce que tu gardes au fond de toi. Gueule, bon dieu, gueule ! Dis ce que tu as sur le cœur. Oui, ton cœur, ton petit cœur percé qui fuit de partout, laisse-le s'exprimer. Arrête de colmater les fissures comme si de rien n'était. Tu crois être en sûreté ? Mais tu es en prison ! Espèce de sotte... Tes larmes sont plus vraies que tu ne veux te l'avouer. Tu es une... déterminant indéfini. Oui je suis indéfinie, je ne me définie pas, je ne suis pas finie... Non. Tu es...

Je suis une écorchée vive. Mais tu es debout. Par la force des choses, par la force des choses... Je tiens debout, je ne suis pas. Tu ne sais pas ce que tu dis. Oh toi ta gueule, laisse-moi en paix, laisse-moi tranquille. Je me tais, je te laisse, te laisse dans ton enfer.

Silence.


Ambre

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