lundi 27 octobre 2014

La couleur de l'air


La nouvelle bande-dessinée d'Enki Bilal est enfin arrivée ! Sortie le 22 octobre, La couleur de l'air clôt la trilogie « Coup de sang » commencée avec Animal'z (2009) puis Julia et Roem (2011).

Ma rencontre avec Bilal a débuté il y a quelques années. J'ai d'abord découvert La femme piège (1986) et me suis mise à me peindre les ongles en bleu comme Jill Bioskop, devenue l'héroïne de mon imagination galopante. J'ai de suite été marquée par ses coups de crayon. L'œuvre de Bilal est hybride et ressemble très souvent à de la politique-fiction. Il se nourrit des évolutions géopolitiques, écologiques et scientifiques de notre planète avec toujours, une base réaliste à ses univers futuristes.


Artiste contemporain, il défend une conception esthétique du rapport image-texte. Il a effectué une véritable rupture avec la B.D traditionnelle dès sa première parution en 1972. Avec La foire aux immortels (1980), il met de la couleur directe, mêlant peinture, crayons et pastels. C'est une innovation pour l'époque et il fut souvent -et aujourd'hui encore- décrié par certains. Car la peinture chez Enki Bilal crée un univers graphique reconnaissable entre tous.

Cet autodidacte devenu populaire s'est nourri des textes littéraires comme ceux de Lovercraft, Perec ou Baudelaire. Parti de Yougoslavie à neuf ans, la littérature fut pour lui un véhicule pour apprendre le français. Il est d'ailleurs le seul auteur de bande-dessinée à avoir été distingué littérairement. Pour lui, pas de scénario, mais de l'écriture. Elle fait partie intégrante du dessin et lui donne un sens nouveau.

Ce n'est pas un artiste cloisonné. Dès le début, il a dynamité les frontières qui séparaient bande-dessiné et peinture. Il a réalisé des films, explorant toujours plus loin l'esthétisme sous toutes ses formes. Son œuvre est puissante, étrange et transcende les désordres du monde qu'il met en scène.

La trilogie « Coup de sang » est composé esthétiquement selon la nature des trois éléments : mer, terre, air. C'est une fable onirique plus positive et moins sombre que la Tétralogie du monstre.

Dans Animal'z, il est question de mer avec un papier gris vert. Il relate le récit de notre futur où un dérèglement climatique s'est brutalement généralisé. Sur cette planète en colère où évoluent des animaux génétiquement modifiés, quelques personnages tentent de survivre.


L'album suivant, Julia et Roem, agit sur les sentiments -shakespeariens- et la terre-mère et dévoile un Velin plus brun. Après la catastrophe relatée dans le premier tome, la planète semble s'apaiser et se recomposer lentement. Les survivants apprennent à s'organiser et une singulière histoire d'amour apparaît.


Enfin, dans La couleur de l'air, c'est avec un gris bleu foncé dans un ciel sans dessus dessous ponctué d'immenses masses nuageuses aux allures menaçantes que progresse un Zeppelin et son équipage incongru. Au même moment, les personnages des deux tomes précédents sont eux aussi mis en mouvement comme mus par un appel secret qui les mènera à une réinitialisation du genre humain...

Je n'en dévoilerais pas plus sur son contenu car il est particulièrement fantastique... Le jour même de sa sortie, je suis partie l'acheter et l'ai dévorée une heure plus tard posée sur le lit...

Enki Bilal provoque attirance et répulsion. Il restera pour moi un artiste incontestable qui décrypte l'actualité dans un monde futuriste, psychologiquement complexe avec une esthétique hors norme qui dévoile des zèbres domestiques, des femmes nues ou des personnages à tête d'animaux dans une beauté troublante. Échappant aux normes en vigueur, il fascine et nous transporte dans un univers en déchirement perpétuel chargé de romanesque et d'expérimentations.

Alors si vous ne le connaissez pas, découvrez au plus vite son travail qui ne vous laissera pas indifférent et vous emmènera en dehors des stéréotypes dans une beauté bilalienne à couper le souffle...

Ambre

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