jeudi 13 novembre 2014

Des femmes

Elle roule sa cigarette entre ses doigts.
Applique consciencieusement quelques coups de langues. 
La referme. 
Quelques mèches de cheveux viennent lui chatouiller les joues. 

« Tiens voilà ma baleine à bosse » dit-elle en souriant.

De ses doigts fins elle me fait passer le calumet de notre soirée au-dessus de légumes croquants et de verres de vin blanc. 

Nous sommes quatre dans ce salon éclairé çà et là par quelques bougies et du jazz en fond.

A vrai dire je suis là seule à ne pas savoir rouler correctement le tabac. Sauf si on aime fumer des troncs d’arbre…

Elle s’en confectionne une autre tandis que notre mère regarde ses trois filles, apaisées par cette ambiance hors du temps. 

Le feu circule. Il cliquète. L’inspiration de la cigarette. 

Ce soir est devenu un rituel sacré. Instauré comme ça. Parce que ça fait du bien. On parle de tout. De nos journées d’abord. Pour laisser la place aux blessures, aux questions de l’enfance restées sans réponse, aux émerveillements.

On retrouvera des souvenirs autour des pizzas de notre boulangère. Toutes simples avec une sauce tomate, du gruyère et des herbes. Mais avec un œuf au plat rajouté avec soin par notre mère.

On découvrira au détour de regards des amours fugaces, des rencontres restées longtemps secrètes.

On chantera. Au grand dam des voisins. On se dira surtout combien nous nous aimons. Quatre bonnes femmes. Là dans cette cuisine. Et c’est tout ce qui comptera sur le moment présent. Il n’y aura plus de soucis. Juste les rires.

Cette nuit se terminera une fois les bouteilles de vin vides. Les rires doux mais fatigués.

Marcher droit relèvera parfois du succès. Mais qu’importe. Personne pour nous montrer du doigt.

Et le lendemain ? Au réveil malgré l’haleine fétide on se dira que cette soirée est irremplaçable.
Mais on ira quand même prendre des douches avant que les hommes ne reviennent dans nos vies !

June

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